
Réconciliation - Rapport

Réconciliation
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Ce document ne représente pas une position de politique officielle du gouvernement du Canada. Plutôt, il tient compte du travail d’un sous-groupe de nouveaux fonctionnaires qui ont participé à Canada au-delà de 150, un programme de formation professionnelle coparrainé par le Bureau du Conseil privé et Horizons de politiques Canada. Ce programme a été conçu afin de soutenir le développement de nouveaux fonctionnaires et à favoriser un changement de culture au sein de la fonction publique. Les participants ont été invités à utiliser des outils de prospective, de pensée créatrice, et de mobilisation pour explorer les enjeux de politique relatives à la diversité et à l’inclusion.
Décolonisation de la fonction publique
Le travail de réconciliation est urgent. Pensons aux éléments suivants :
- La surreprésentation des peuples autochtones dans les prisons.
- Le nombre alarmant d’enfants autochtones pris en charge.
- L’eau potable insalubre.
- Colten Boushie.
- Tina Fontaine.
Le travail est embarrassant. Si vous êtes à l’aise, vos efforts ne visent pas la réconciliation.
Seule une fonction publique « décolonisée » peut soutenir le véritable travail de réconciliation.
Le présent rapport est un appel urgent à la transformation de la fonction publique. Il fait la promotion de la réconciliation avec les peuples autochtones dans tous les aspects du travail de la fonction publique. Les Principes régissant la relation du gouvernement du Canada avec les peuples autochtones et le changement de cap vers la reconnaissance des droits dans la foulée du Cadre de reconnaissance et de mise en œuvre des droits offrent à la fonction publique une occasion unique. Nous devons accepter le changement en ce qui concerne les relations du Canada avec les peuples autochtones et transformer nos opérations et nos pratiques — de celles qui sont enracinées dans la colonisation à celles qui embrassent la réconciliation.
Nos partenaires — les personnes et les organisations qui ont généreusement partagé leur temps, leurs enseignements et leurs expériences avec nous, et qui ont joué un rôle crucial tout au long de ce parcours — ont réitéré cette urgence. Ces partenaires ont approfondi notre connaissance et notre compréhension de la réconciliation et nous ont aidés à ouvrir notre cœur et notre esprit à de nouvelles perspectives.
Un enseignement particulier a eu un effet profond sur notre travail, en illustrant la nécessité d’un changement transformationnel :
Nous tentons toujours de trouver de nouvelles solutions et politiques pour corriger les choses et apporter le changement nécessaire… mais il importe peu que la nouvelle solution soit exceptionnelle si elle a été greffée sur un arbre empoisonné. Les structures coloniales, paternalistes et racistes encore en place sont les racines et le tronc de cet arbre. Nous ajoutons donc continuellement de nouvelles branches sur un arbre empoisonné en espérant qu’elles s’épanouissent. Ce n’est pas possible. La question est donc de déterminer comment pouvons-nous planter un nouvel arbre?
Avec l’aide de partenaires autochtones, nous avons dégagé trois thèmes stratégiques visant à décoloniser la fonction publique.
- Représentation — La fonction publique a besoin d’une plus grande représentation des voix autochtones dans le processus décisionnel.
- Transformation — Les fonctionnaires doivent entreprendre un parcours personnel afin de les exposer aux façons autochtones d’aborder les politiques.
- Relations — La fonction publique doit repenser ses interactions avec les collectivités autochtones au quotidien.
Pensez à ces trois thèmes comme des semences qui pourraient contribuer à une nouvelle forêt d’idées et d’approches, mais seulement si l’on poursuit le développement de ces thèmes conjointement avec des partenaires autochtones.
Une approche gouvernementale commune… | Une approche de réconciliation nous demande de… |
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Pendant le projet, l’équipe de réconciliation a collaboré avec l’artiste autochtone et fonctionnaire, Karin Moen, avec l’aînée Barb ainsi qu’avec l’aînée en formation, Jenny, qui nous ont aidés à comprendre le sens de l’enseignement tiré de l’arbre empoisonné.
À propos de l’artiste
Karin Moen est une poète et artiste visuelle d’origine crie, métisse, norvégienne et écossaise. Elle croit que la réconciliation consiste à établir des relations saines à l’intérieur de nous-mêmes, entre nous et avec la terre. Elle espère devenir graphiste pour aider des groupes d’origines diverses à communiquer et à résoudre des différends.
Avertissement : Ces images représentent l’interprétation du parcours de l’équipe donnée par l’artiste et ne correspondent pas nécessairement aux diverses perspectives des peuples autochtones qui vivent sur l’île de la Tortue.
Énoncé de l’artiste : Équilibre
Nous sommes dans une période d’équilibre et de processus naturels en mutation. La langue, le droit et la terre ne font qu’un. Nous sommes des esprits et avons une raison d’être. Cette image n’a pas pour but de ressusciter un passé idyllique, ni de lancer un récit linéaire. Elle ne représente simplement qu’une phase d’un cycle naturel — une phase d’équilibre. Nous atteignons l’équilibre, puis nous nous en éloignons grâce à des processus naturels.

Représentation
S’attaquer aux langues officielles, qui constituent des obstacles au recrutement, au maintien en poste et à l’avancement des Autochtones dans la fonction publique
Les exigences en matière de langues officielles peuvent constituer un obstacle au recrutement et à la promotion des peuples autochtones dans la fonction publique fédérale. Les fonctionnaires autochtones ont des taux de promotion plus faibles et sont sous-représentés au sein de la haute direction.
Nous reconnaissons l’importance des droits linguistiques officiels au Canada. Nous constatons également que le travail pour décoloniser la fonction publique ne doit pas engendrer de conflits inutiles au chapitre des droits ou entre les groupes. Nous voulons ici mettre l’accent sur les exigences linguistiques dans la fonction publique dans le contexte de la réconciliation.
Le rapport intitulé « Unis dans la diversité » ainsi que les propos formulés par certains partenaires confirment la nécessité de cette intervention. Un de nos partenaires, un fonctionnaire autochtone, affirmait que s’il montait à bord d’un ascenseur avec le premier ministre, il lui demanderait pourquoi il devait apprendre le français plutôt que sa propre langue pour obtenir de l’avancement dans la fonction publique.
Pour de nombreux fonctionnaires autochtones, les exigences en matière de langues officielles sont un rappel du passé et du présent colonial du Canada. Pendant que le gouvernement accordait un statut égal au français et à l’anglais, il détruisait activement les langues autochtones en raison de politiques et de mesures comme le système des pensionnats indiens.
Nous recommandons que les fonctionnaires autochtones soient exemptés des exigences en matière de langues officielles et qu’ils trouvent des moyens d’apprendre et de conserver les langues autochtones. Nous devons assurer la sécurité culturelle (un environnement physiquement, spirituellement, socialement et émotionnellement sûr) afin que les fonctionnaires autochtones ne soient pas confrontés à des défis identitaires et que les langues autochtones soient respectées.
Nous devons également explorer en quoi la technologie peut faciliter l’apprentissage des langues autochtones et la traduction (c. à d. Google Translate, casque d’écoute intelligent); offrir des services dans les langues autochtones des populations régionales afin d’accroître les possibilités d’emploi dans la fonction publique; élaborer de nouvelles stratégies d’établissement de rapports. Autrement dit, si un gestionnaire et un employé ne peuvent pas bien communiquer dans une langue officielle, l’employé pourrait relever d’un autre gestionnaire.
Le succès pourrait signifier : plus de fonctionnaires autochtones à des postes plus élevés; des taux de promotion équivalents pour les employés autochtones et non autochtones; une compréhension de l’impact dévastateur du colonialisme pour les langues et les cultures autochtones; une hausse du nombre de fonctionnaires qui déclarent être autochtones.
Reconnaître l’arbre empoisonné
En décembre, nous avons rencontré l’aîné Mac, un aîné malécite. Après avoir entendu parler du projet, il a voulu soulever certaines dures réalités. Empreint de bonne volonté, il a demandé : La réconciliation n’est-elle qu’un autre thème qui servira de base à des expériences? Allons-nous simplement nous éloigner de ce programme et des relations que nous avons établies lorsque le programme arrivera à terme? Il nous a rappelé que la réconciliation ne concerne pas seulement les peuples autochtones, mais tous ceux qui vivent sur cette terre que nous appelons le Canada. Il a également affirmé que nous utilisons la même approche qui continue de nuire aux relations du gouvernement avec les collectivités autochtones.
Nos expériences nous ont enseigné qu’il nous faut changer notre façon de faire les choses — nous devons décoloniser la fonction publique.
L’aînée Barb du clan des tortues de la Nation Mohawk et l’aînée en formation, Jenny, se sont jointes à nous pour se pencher sur ces défis. En participant à la cérémonie et en abordant des questions de politique en compagnie d’une aînée, nous avons pu voir les enjeux sous un nouvel angle : aucun rapport, manuel ou note de service ne pourrait jamais remplacer les enseignements oraux qu’elles ont partagés.
Énoncé de l’artiste : L’arbre colonial
Le cycle naturel est interrompu par le racisme, la violence, les génocides et l’impérialisme. Cette image représente le déséquilibre, la dureté et le désir d’imposer un « ordre » hiérarchique au profit de l’équilibre qui nous donne la vie.
L’arbre colonial a été imposé à notre monde équilibré, le déséquilibrant, mais ne le remplaçant pas. Parce que nous sommes encore là. Nous l’avons enduré. Nous pouvons rebâtir, en travaillant pour restaurer l’équilibre dans nos relations les uns avec les autres et avec la terre. Nous pouvons et devons travailler à quitter l’espace déséquilibré et blessé. Pour guérir et pour changer, et pour nous assurer que nous reconnaissons que nous n’avons pas besoin de vivre dans le lieu défini par l’arbre colonial.

Transformation
Parcours d’apprentissage de la fonction publique
Trouver des outils et des incitatifs pour que les fonctionnaires entreprennent un parcours d’apprentissage personnel qui les exposera à des façons autochtones d’aborder les questions de politiques.
Une fonction publique décolonisée soutiendrait et motiverait les employés à entreprendre des parcours d’apprentissage au-delà de l’histoire et des manuels scolaires. Le Canada a besoin d’une fonction publique qui comprend, valorise et utilise l’histoire, les réalités et les façons de savoir des Autochtones.
Le succès des parcours d’apprentissage exige que la fonction publique valorise et utilise les façons autochtones d’acquérir des connaissances et de résoudre les problèmes, comme la tradition orale et le partage en cercle. Tous les fonctionnaires doivent se renseigner sur les questions autochtones, quelle que soit leur fonction. Le Canada pourrait établir un centre d’apprentissage pour faciliter ces parcours d’apprentissage.
En s’appuyant sur le travail actuel, ce centre pourrait s’associer à des organisations autochtones, comme le Centre national pour la vérité et la réconciliation, et faire progresser ce travail en reliant les fonctionnaires aux outils et aux partenaires (p. ex., peuples autochtones, aînés, universitaires, École de la fonction publique du Canada) afin d’offrir une éducation dans la foulée de l’appel à l’action no57. Le centre pourrait planifier et promouvoir les possibilités de détachement de fonctionnaires dans les collectivités, et les gouvernements autochtones, et fournir des ressources aux partenaires autochtones pour qu’ils agissent en qualité d’experts fonctionnels.
Pour obtenir du succès, le centre devra être dirigé par des cadres autochtones et disposer de fonds suffisants pour s’acquitter de ses fonctions. La moitié des postes du centre devront être occupés par des employés autochtones. Le centre gérera la façon dont la fonction publique valorise les façons autochtones d’acquérir des connaissances et de résoudre les problèmes et présentera des rapports publics à cet égard. Les ententes de rendement des cadres supérieurs de la fonction publique (y compris les sous-ministres) pourraient comprendre la responsabilité d’élaborer, de mettre en œuvre et d’améliorer les moyens de faire progresser l’appel à l’action no 57 de la Commission de vérité et réconciliation et créer un espace pour les approches autochtones dans le travail de leur ministère.
L’équilibre et les processus naturels en mutation
Nos discussions avec l’artiste au sujet de la représentation des images ont permis d’ajouter de nombreux éléments à la toile de l’artiste. Les individus ont pu parler de la façon dont ils interprétaient le symbolisme dans les images. Ces images et la collaboration qu’elles ont suscitées ont facilité la partie suivante de la collaboration. La confiance que nous avons établie et notre respect mutuel des divers points de vue ont réuni les aînés, les aînés en formation, les responsables de l’élaboration des politiques et les participants afin d’élaborer et d’affiner ces trois interventions stratégiques.
Énoncé de l’artiste : Rétablir l’équilibre
Nous invitons tous les habitants de l’île de la Tortue à délaisser l’arbre colonial, à rétablir l’équilibre et à établir des relations saines avec eux-mêmes, avec les autres et avec la terre. Pour ce faire, nous devons veiller à ce que les langues, les visions du monde et les peuples autochtones soient reconnus de façon significative, nous devons avoir l’humilité d’apprendre des autres et de la terre, et nous devons avoir le courage de transformer nos relations.

Relations
Transformer la façon dont le Canada interagit avec les collectivités autochtones
Élaborer conjointement, région par région, des façons d’établir de véritables relations de nation à nation, entre Inuits et la Couronne et de gouvernement à gouvernement.
Les partenaires autochtones affirment que la relation actuelle avec le gouvernement est entretenue par des bureaucrates qui changent constamment et qu’elle est appuyée par un financement incertain. Ils font également état d’une prestation de programmes insuffisante dans des emplacements isolés, de problèmes sur le plan de l’établissement de rapports et d’une reddition de compte unidirectionnelle.
C’est ainsi que nous recommandons que le gouvernement s’appuie sur les moyens existants pour renouveler les relations grâce à un développement en profondeur, région par région, en collaboration avec les collectivités et les nations autochtones.
- Éloigner les structures gouvernementales du modèle actuel de prestation fragmentée des programmes et offrir plutôt un soutien holistique aux collectivités et aux nations dans leurs cheminements. Un tel soutien signifie permettre des relations à long terme et assurer la coordination pangouvernementale.
- Créer des mécanismes de financement au-delà des mécanismes actuels, pour donner de pleins pouvoirs aux collectivités et nations autochtones. Par exemple, établissons l’hypothèse que la Nation Ktunaxa a reçu du Conseil du Trésor les autorisations de financement direct.
- Décentraliser la prise de décision gouvernementale en confiant les pouvoirs et les responsabilités aux fonctionnaires régionaux. L’objectif est que les institutions autochtones dirigées par la collectivité prennent leurs propres décisions.
De nombreux types de nouvelles relations sont possibles. Par exemple, imaginez un représentant d’une collectivité autochtone financée travaillant côte à côte avec un « ambassadeur » du gouvernement du Canada. Cet ambassadeur travaille comme une fenêtre sur le gouvernement, représentant la Couronne et tous les portefeuilles du gouvernement, et entretient une relation continue avec cette collectivité. Un financement souple, fiable et suffisant est versé directement à la collectivité, qui est responsable d’établir les priorités locales, de tenir ses promesses et de rendre des comptes à ses membres.
Un nouvel arbre
Le travail de réconciliation ne fait que commencer. Nous espérons poursuivre les conversations et les partenariats que nous avons établis au cours de ce projet et en lancer de nouveaux. Les interventions que nous proposons sont des moyens de décoloniser la fonction publique. Ce sont des semences pour un nouvel arbre.
Énoncé de l’artiste : Reflet de l’équilibre
Notre travail collectif et individuel nous a menés vers un endroit d’équilibre et de réflexion. Regardez à l’intérieur de vous, regardez ceux qui sont arrivés avant, et réfléchissez avec d’autres pour trouver ce que signifie cet équilibre.
Il est important de mentionner que la réconciliation est un parcours, pas une destination. Nous nous situons tous à des étapes différentes de notre parcours de réconciliation, cette étape arrivera donc à des moments différents pour des personnes différentes. À partir d’ici, le cycle peut recommencer (sans l’arbre colonial), puisque le maintien de l’équilibre est la tâche d’une vie.

Équipe















